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« Il faut juste avoir un crayon et un papier... »

Une interview avec l'écrivain Marie NDiaye

 

Marie NDiaye écrit des romans, des pièces de théâtre, des pièces radiophoniques, des scénarios et des livres d'enfants. Elle a obtenu le Prix Femina en 2001 pour son roman Rosie Carpe et vient de recevoir le Prix Goncourt pour son roman "Trois femmes puissantes". Sa pièce Papa doit manger figure au répertoire de la Comédie Française. Ses livres sont parus entre autres chez Gallimard et aux Editions de Minuit.

 

Quand avez-vous commencé à écrire et pourquoi ?
J'ai commencé à écrire tôt parce qu'en fait, j'étais une grande lectrice. J'adorais lire et, comme font souvent les enfants, j'ai eu envie de reproduire ce que j'aimais tant pratiquer. Et quand j'ai eu 10-11 ans, pour Noël, j'ai reçu une petite machine à écrire. A l'époque, c'était des machines mécaniques – tiptiptip - et ça m'a vraiment lancée parce qu'il y avait le plaisir de la frappe en même temps que le plaisir de raconter des histoires.

Quel genre d'histoires c'était ?

Quand j'étais petite ? A chaque fois, c'était le genre d'histoire que j'étais en train de lire à ce moment-là. Par exemple, quand je lisais toute la série des Fantômettes, des Club des cinq, le Clan des sept, j'ai écrit des histoires comme ça. Et puis après, quand j'ai été un peu plus âgée, je m'intéressais beaucoup aux romans russes, donc j'ai écrit un grand roman russe, et après un grand roman américain, et aussi sud-américain, j'avais découvert un écrivain sud-américain qui s'appelle Gabriel Garcia Marquez qui m'avait plu beaucoup. Donc j'ai écrit une histoire qui se passait en Colombie...

Y-a-t-il des règles quand on écrit un livre ?
Non, on est complètement libre en fait. Les règles, c'est juste les règles qu'on s'impose à soi-même. C'est-à-dire une discipline, ou suivre un plan qu'on a vis-à-vis des éditeurs.

Où trouvez-vous les thèmes de vos histoires ?
Ça, c'est une question qui est vraiment très difficile. On ne sait jamais trop la façon dont les thèmes d'histoires viennent : si c'est en se promenant, en parlant avec des gens, en voyant des choses dans la rue, des petites scènes, en lisant des articles dans le journal... Ce n'est jamais précisément lié à une chose. C'est en général un ensemble de souvenirs qui fait qu'à un moment, il se forme une histoire dans la tête. Et jamais je ne pourrais dire, cette histoire-là est venue de ceci ou de cela. C'est comme vous, j'imagine, si on vous demande d'écrire une histoire, et que plein
d'idées vous viennent. Elles vous viennent de votre cerveau, mais sans que vous puissiez dire finalement comment, pourquoi. C'est lié à tout ce qu'on a lu avant, à ce qu'on a vécu.

Que faut-il faire comme études pour devenir écrivain ?

Aucune. On peut être écrivain avec tout ou rien. Il y a des écrivains qui ont fait de longues études et d'autres qui n'en ont fait absolument aucune. Il n'y a vraiment aucun rapport entre les études qu'on a faites et le fait d'écrire, surtout contrairement à des pratiques comme la peinture, la photo. Il n'y a rien à apprendre, c'est-à-dire, il faut juste avoir un crayon et un papier, il faut juste savoir écrire. Je pense que ce qui aide avant, c'est de lire malgré tout. Ecrire sans avoir lu, ça me semble un peu difficile.


Quel est votre écrivain préféré ?
C'est une question horrible parce qu'il y en a tant, qu'en dire un, c'est terrible. Disons que l'écrivain que je relis le plus, c'est William Faulkner qui est un écrivain américain mort en 1962, donc un écrivain de la moitié du 20ème siècle. Je le lis en traduction française parce que mon anglais n'est pas assez bon pour que je le relise en américain. Je pense qu'au bout, c'est lui.


Est-ce que vous écrivez tous les jours ?
Non, je devrais mais je n'y arrive pas. Parce qu'il y a toutes sortes de choses à faire. Des fois je n'ai pas envie. Voilà. Mais je ne laisse pas passer plusieurs journées sans écrire. Il faut une discipline, c'est comme un sport un peu. Si on ne fait plus rien, on se rouille, on est moins à l'aise après pour repartir.

Est-ce que ça existe les week-end ou les vacances pour vous ?
Oui, lorsque j'ai fini un livre. Ça c'est vraiment des vacances. C'est très très agréable.

Ça dure combien de temps ?

Oh, longtemps. Plusieurs mois, parfois même un an. Là, c'est vraiment les vacances. En même temps, durant cette année, je pense à plein de choses, je prends des notes, je n'écris pas vraiment, mais c'est un travail de préparation. Mais ce n'est pas du vrai travail. C'est bizarre parce que même si j'aime écrire, c'est peut-être même la chose que j'aime faire le plus, souvent c'est dur de s'y mettre, souvent je n'ai pas envie de rejoindre ma table et mon ordinateur. J'aimerais plutôt sortir et me promener. Ou faire un gâteau. Il faut que je me force à m'y mettre. Après ça va, je suis contente.

Pourquoi êtes-vous venue à Berlin ?
Parce qu'on en avait assez de vivre en France, ça faisait longtemps qu'on avait envie de changer, d'être dans une grande ville et de ne plus être à la campagne. Et puis on trouve que depuis quelques temps, depuis les élections présidentielles, il y a une atmosphère en France vraiment dure, dure envers les étrangers, dure envers les pauvres, une atmosphère très très à droite et on trouve ça très déplaisant. Donc voilà, c'était tout un ensemble de raisons.

 

Vous n'avez pas d'animal préféré ?

J'aime bien les vaches. Parce qu'en fait, quand on se promène dans la campagne, et qu'on voit des vaches, je crois que c'est les plus grosses bêtes qu'on puisse voir de manière normale sans aller dans un zoo où il y a des éléphants. C'est une bête vraiment très très très grosse et très pacifique. Et belle je trouve. Surtout les noires et blanches qu'on voit souvent en Normandie, elles sont magnifiques.

Que vouliez-vous devenir quand vous étiez petite ?
Ecrivain. A partir de dix, onze ans. Je suis devenue exactement ce que je voulais être.

 

Interview: Alina, Anastasia et David

Dessins:

Textes, Dessin et Photos: © Grand Méchant Loup - eEducation Masterplan Projekt

- Janvier 2007